Au début des années 1970, lors d’un de mes premiers voyages en URSS, je fis à Moscou la connaissance de Vladimir Stenberg (1899 — 1982), artiste connu alors surtout (sinon uniquement) pour son activité dans le domaine du décor théâtral et celui du graphisme publicitaire. Il habitait en plein centre de la ville dans un appartement original où il s’était installé à la fin des années 1930, encore bien avant la guerre. Ayant parlé du début de ses activités artistiques et du groupe des jeunes constructivistes OBMOkHOU en particulier, je lui ai proposé de réfléchir à la reconstruction de certaines œuvres, de l’époque « historique » du premier « constructivisme » et disparues (détruites) depuis. Nous nous sommes concentrés sur 4 « appareillages » (constructions non objectives) de l’hiver 1920 — 1921 : deux de sa main et deux de son frère Georgii Stenberg (1900 — 1933), artiste disparu tragiquement il y a fort longtemps, la création abstraite de ces deux artistes se différenciant alors fortement.
Nous en avons reparlé par la suite et Vladimir Avgoustovitch (Stenberg) a fourni rapidement les plans de 4 œuvres qu’il a redessiné de mémoire, ce avec une étonnante précision et à l’aide d’une documentation photographique dont je lui ai procuré moi-même une bonne partie.
La réalisation de ces 4 pièces dont j’ai été chargé eut lieu en France au début du printemps 1975. Ce fut un travail passionnant qui m’a permis d’entrer de plein pied dans la pratique du premier constructivisme : le façonnage véritable de ces pièces dont il fallait concevoir chaque détail. J’ai profité lors de cette reconstruction des conseils de mes amis « constructivistes » (modernes) Piort Kowalski (à Paris) et Anthony Hill (à Londres). Il s’en est suivi une exposition qui après Paris et Londres (printemps 1975) fut présentée pendant l’été 1975 à la Art Gallery of Ontario, le musée d’art moderne de Toronto (Canada). J’éditais à l’occasion une monographie consacrée à ces reconstructions.
Le succès de l’entreprise fut tel qu’il en a résulté des imitations, évidement moins réussies. Je fus donc obligé de défendre le droit d’auteur de Vladimir Stenberg et le mien propre.
En février 1977, Vladimir Stenberg me cédait par écrit son copyright sur les 4 pièces reconstruites et m’engageait à défendre le droit d’auteur et ipso facto le mien (par rapport à ces reconstructions).
Des ensembles de 4 « Appareillages » (constructions non-objectives) ont été acquis par le Musée National d’Art Moderne de Paris et par le musée d’art moderne d’Australie (la Galerie Nationale de Canberra). Des pièces isolées ont été également acquises par d’autres collections (McCrory de New York ; aujourd’hui MOMA, New York) et autres. Pendant de longues années un complet de ces 4 sculptures fut exposé à la Berlinische Galerie (le musée d’art moderne de la ville de Berlin).
Au printemps de 1986, une session d’étude consacrée à ces reconstructions a été réalisée par l’Université de Belgrade où j’ai été invité à expliquer les particularités de l’entreprise de reconstruction, une approche assez spécifique de certains problèmes de l’art du XXème siècle, alors en pleine redécouverte (voir par exemple les reconstructions d’œuvres de Marcel Duchamp).