En 1962, Andréi Nakov commençait des recherches sur les origines de l’abstraction russe. Ce fut une thèse de « Magisterium », préparée à l’Université de Varsovie sous la direction du Prof. Juliusz Starzynski. Le travail consacré au peintre lituanien M. K. Ciurlionis, étudiant à Varsovie mais en même temps participant actif au symbolisme pétersbourgeois (proche du groupe de V. Ivanov) allait être publié seulement en 1967 à Paris, dans les pages de la revue polonaise « Kultura ».
À la fin des années 60, A. Nakov publiait à Paris, en langue française, ses premiers articles sur les descendants polonais de Malewicz et leur rapport au suprématisme.
« Visiting fellow » à l’université de Harvard (USA), il entamait à partir de 1970 des recherches sur le cubo-futurisme russe, travail qui le conduisit rapidement aux écrits de Malewicz. Les conseils de Roman Jakobson furent les premières directives dans son approche du sujet qu’il continua à étudier après son retour en France (été 1971).
Préparée en 1973 et 1974, une vaste anthologie critique des écrits de Malewicz paraissait au printemps 1975 aux éditions Champ Libre à Paris. Le livre Malévitch — Écrits rencontra un succès immédiat et a connu depuis deux réimpressions.
En 1977, les éditions Feltrinelli de Milan publiaient une traduction italienne remaniée et augmentée de Malevitch — écrits sous le titre Kazimir S. Malevič, Scritti.
Une autre version française, augmentée et corrigée, paraissait à Paris en 1986 aux éditions Champ Libre (devenus depuis éditions Ivréa). Celle-ci sert désormais de référence. Elle fut imitée en 2015 par un éditeur français qui voulant détourner l’attention du public s’appropria de façon indue le titre de 1975.
C’est cette deuxième édition française qui servit de référence à l’édition de 2013 réalisée par les éditions Mimesis de Milan. Elle comprend ainsi un nouveau texte (Le manifeste « blanc » de 1918) et aussi des nouveaux commentaires, de même qu’une nouvelle introduction (lire des extraits : « Le retour du mythe des « sacrées icônes »). Centrée sur quelques questions d’actualité, cette introduction présente entre autres le dernier manuscrit important du peintre, le texte « Pratique et critique de l’impressionnisme » (1932).
En 1976, A. Nakov fut chargé par la Tate Gallery de Londres d’une exposition monographique de K. Malewicz, la seule à avoir eu lieu dans ce pays depuis la présentation de la collection du Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1959 (à la Whitechapel Gallery).
En 1977, il organisait également à Londres (Annely Juda Fine Art) l’exposition « The suprematist straight line » dont le catalogue contient de nombreux œuvres et documents inédits de Malewicz et de ses plus proches élèves – Lissitzky, Tchachnik (Casnik), Suetin, Khidekel.
Invité par l’Institut Français de Rabat (Maroc) pour une série de conférences, il présentait à l’automne de 2001, une exposition didactique consacrée à Malewicz. Ce fut la première exposition du suprématisme au sud de la Méditerranée.
Au cours des années 70, il allait publier dans divers langues (à New York, à Cologne, à Berlin et ailleurs) des articles monographiques consacrés à plusieurs aspects de l’œuvre de Malewicz dont Kasimir Malevich, The Tate Gallery, London, 1976.
En 1979, il reprenait en Allemagne le projet déjà « historique » de la première grande monographie consacrée à cet artiste. Ce projet était initié a la fin des années cinquante par Carl Gutbrot, célèbre directeur de la maison d’édition Dumont-Schauberg de Cologne et par Wilhelm Hack, collectionneur éclairé qui fut à ce moment un des rares à s’intéresser à l’art non-objectif russe et à l’œuvre de Malewicz en particulier.
Initialement, cette première monographie devait être réalisée par Hans von Riesen, ami de l’artiste de l’époque de son séjour allemand de 1927 et légataire de ses archives berlinoises. Après plusieurs années de travail, Riesen abandonnait le projet pour des raisons de santé et non moins à cause des difficultés documentaires qu’il rencontrait dans son travail avec l’URSS, pays où l’œuvre de Malewicz était idéologiquement proscrite. Carl Gutbrot confiait par la suite le projet à deux historiens d’art tchèques, Miroslav Lamac et Jiri Padrta, chercheurs chevronnés qui au milieu des années 60 avaient réussi un remarquable travail documentaire et avaient produit les premières études analytiques de l’œuvre de Malewicz. C’est grâce au travail de Miroslav Lamac en particulier, que l’œuvre graphique de Malewicz a été répertoriée de façon documentaire et photographique en Russie. Ce travail fondamental fut favorisé par l’accès aux documents originaux et surtout celui d’un corpus de dessins conservés dans l’atelier pétersbourgeois de l’artiste par son assistante Anna Leporskaïa. Cette documentation qui aujourd’hui fait partie des archives de A. Nakov constituait le véritable point de départ de l’étude posthume de l’œuvre de Malewicz .
Les événements politiques de 1968 (écrasement du « Printemps de Prague ») et les problèmes de santé de Jiri Padrta qui allait mourir en 1978, empêchèrent l’avancement de la monographie. Le projet y compris la documentation historique recueillie par Hans von Riesen et par Miroslav Lamac allaient être confiés à A. Nakov en 1979, tandis que la charge éditoriale fut reprise par les éditons PVA de Landau, Allemagne Fédérale. Peu après, encouragé par l’existence de la documentation photographique de l’atelier de l’artiste, l’éditeur demandait à A. Nakov d’adjoindre à la monographie un catalogue critique de l’œuvre dont la popularité ne cessait de grandir en Europe Occidentale. Ce travail était possible à envisager, car A. Nakov avait lui-même travaillé depuis le début de ses recherches avec certains amis (Hardziev) et élèves de Malewicz (Hidekel, Magaril) et avec leur héritiers (familles Judine, Koudriachev, Matiouchine, Tchachnik et Suetin) et surtout avec Anna Leporskaja, dernière assistante de Malewicz et compagne de Suetin et témoin historique de première importance et donc source d’information décisive pour la connaissance de l’œuvre de l’artiste.
En 1984, l’avancement du travail de recherche se trouvait une fois de plus confronté aux obstacles que la censure idéologique imposait à l’étude de l’art moderne en URSS.
Ce n’est qu’à partir de l’automne 1987, que, profitant des changements dus au démantèlement du système soviétique (la Perestroïka), A. Nakov pu accéder aux archives publiques russes et aux réserves des musées de ce pays où l’œuvre de Malewicz était jusqu’à ce moment gardée dans le plus strict enfermement.
Le Catalogue raisonné
La rédaction de la monographie et du « Catalogue raisonné » allaient occuper la deuxième moitié des années 1990.
Le projet se trouvait à l’époque aux mains des éditeurs français dont plusieurs devaient baisser les bras devant les difficultés éditoriales et la masse de documentation plurilingue destinée à la publication.
En juin 2002, le « Catalogue raisonné » qui en fait constituait la seule annexe documentaire de la publication paraissait le premier à Paris aux éditions Adam Biro qui à leur tour allaient peu après déclarer forfait. Prête à l’impression, la monographie dont l’ensemble des textes se compose de quatre volumes totalisant 1600 pages est paru en avril 2007 chez Thalia édition, Paris.
De nombreuses œuvres attribuées à Kazimir Malewicz ont circulé sur le marché occidental aux cours des dernières années. Andréi Nakov reçoit en conséquence constamment des demandes de confirmation de ces attributions. L’argument princeps évoqué est que ces œuvres « n’étaient pas connues au moment de la rédaction » du catalogue raisonné, c’est-à-dire avant 2002.
Andréi Nakov signale aux lecteurs que le Catalogue raisonné a été corrigé et complété en 2007 par un addemdum qui figure en tant que chapitre 32 ( vol. IV) de sa monographie Kazimir Malewicz, le peintre absolu, Thalia Edition, Paris, 2007.
Aucune œuvre dont il aurait pu confirmer l’attribution ne lui a été soumise depuis cette date non plus.
Comme il l’a expliqué dans les textes accompagnant le Catalogue raisonné son travail s’appuie sur des critères techniques, stylistiques et d’exécution qui sont clairement formulés dans le chapitre 31 « Procédés, style et réalisation… » de la monographie vol. IV, 2007.
Une nouvelle édition revue et corrigée de ce texte a été publiée au début de l’année 2008 en traduction anglaise – cf. « Devices, Style and Realisation : Professionalism in Malewicz’s Painting Technique » dans Artibus et historiae, N°57 , vol. XXIX, Vienna-Cracow, 2008, p. 183-239.
S’il y avait eu à signaler des ajouts ou des corrections au Catalogue raisonné, il aurait saisi cette occasion. Il n’y a pas eu d’ajouts.
Les échos d’opinions « orales », évidemment toujours favorables, qu’il aurait émises au sujet de telle ou telle œuvre lui parviennent fréquemment. Seules sont valides les confirmations ou opinions écrites et signées de sa main (des imitations électroniques de sa signature ayant été également portées à sa connaissance…).
Il consulte régulièrement les messages laissés sur le site y compris les demandes d’expertise et répond par principe à toute nouvelle demande, mais l’on comprendra que celles concernant des œuvres déjà présentées, ce qui est très souvent le cas, ne reçoivent pas de réponse.
La publication du Catalogue raisonné en 2002 par les éditions Adam Biro a souffert au dernier moment de défaillances graves de la part de l’éditeur. Ainsi, un chapitre consacré à la technique et au procédés stylistiques de l’artiste de même que la bibliographie, outil indispensable pour la consultation du catalogue, furent reléguées pour une publication future. Celle-ci fut réalisée seulement en 2007 par Thalia édition.
On trouvera donc les deux textes ainsi qu’un supplément et correctif du Catalogue raisonné dans le quatrième volume de A. Nakov, Kazimir Malewicz, le peintre absolu, Paris 2007, chap. 31, 32 et 33 (pages 133 à 287)
Résumant 25 ans de recherches, cet ouvrage contient de nombreux documents et interprétations inédits. Ils s’appuient sur des recherches conduites aussi bien en Europe occidentale (Pologne, Allemagne, y compris une partie des archives inédites de Hans von Riesen, Italie) et en Russie (archives de la famille Malewicz, ceux de Viktoria, la sœur cadette de l’artiste, et Una, la deuxième fille de K. Malewicz, que A. Nakov fréquenta assidument au cours des années 70 et 80).
* * *
À la fin de l’année 2011, est paru aux éditions Aarhus University Press le livre K.S. Malevich The Leposkaya archive, rédigé par Troels Andersen, historien d’art danois et, auparavant, auteur de la publication Malevich Catalogue raisonné of the Berlin exhibition 1927 including the collection in the Stedelijk Museum Amsterdam; with a general introduction to his work, Stedelijk Museum, Amsterdam, 1970. Cet ouvrage, certes précurseur dans le domaine, quasi vierge à l’époque, des études malewiczéennes, souffrait, probablement en raison de cette date précoce, de certaines inexactitudes et approximations que j’ai été conduit à corriger et compléter dans ma monographie de 2007-2010.
L’auteur de la publication de 2011 remet en question l’attribution de même que la véracité de la provenance que je fournis pour plusieurs dessins qui font partie de mon Catalogue raisonné (Paris, 2002) de l’œuvre de Kazimir Malewicz. Répondant à des questions qui concernent ces divergences d’attribution ainsi que de provenance, j’informe les lecteurs de ce site qu’un commentaire substantiel relatif aux opinions émises par Troels Andersen sera fourni dans une publication en cours de préparation. Néanmoins, dès à présent, je tiens à signaler que, suite à la publication de 2011, j’ai pris le soin de vérifier encore une fois auprès de Karel Kuklik la véracité des informations que j’ai fournies dans ma publication de 2002, car Kuklik, un photographe pragois dont la réputation n’est pas à faire, est aujourd’hui la seule personne survivante du travail de documentation effectué au cours des années soixante par Miroslav Lamac et J. Padrta à Leningrad. Le travail de Karel Kuklik fut essentiel pour la réalisation du répertoire des œuvres qui se trouvaient alors parmi les restes de l’ancien atelier de Malewicz (archives, dessins, éléments d’architectones) et qui par la suite sont passés aux mains de son élève Nikolaï Suetin, et après la mort de celui-ci (1954), en grande partie, dans celles de sa compagne Anna Leporskaya (elle-même morte en 1982).
En janvier 2013, au cours d’un voyage à Prague, j’ai pu revérifier une nouvelle fois certaines informations documentaires et m’assurer de la provenance de plusieurs œuvres refusées, comme il s’est révélé, de façon infondée par Troels Andersen. Je fais ici référence aux vérifications effectuées auprès de Karel Kuklik, le photographe qui a travaillé avec Miroslav Lamac (1927-1991), et qui en juin 1969, en l’absence de Lamac, retenu à Moscou, a terminé seul, mais néanmoins sous la direction de Lamac, le répertoire des œuvres sur papier qui au début de l’été 1969 se trouvaient encore à Leningrad. À cette occasion il a été en contact direct avec Anna Leporskaya qui a mis à sa disposition les dessins qu’il devait photographier et répertorier.
En ce qui concerne des refus apodictiques, c’est à dire non argumentés, de l’attribution de certains dessins, que Troels Andersen n’a pas pu avoir eu la possibilité de voir mais dont il refuse l’attribution à Malewicz il est évident que dans ce cas c’est une question de prise de position stylistique, résultant de connaissances et conduisant à une interprétation, donc il ne s’agit que d’une opinion. A chacun la sienne.
Parmi les inexactitudes factuelles de la publication de Troels Andersen de 2011, je signale également que suivant les informations documentées qui, en 2013, m’ont été fournies à l’occasion de mon voyage à Prague par Madame Anna Lamacova, la veuve de Miroslav Lamac, contrairement aux affirmations de Troels Andersen, Miroslav Lamac s’est bien rendu en URSS à plusieurs reprises après 1967, son dernier voyage datant de 1974.
Mise au point
Je signale aux lecteurs de ce site que dans la publication de mon Malevic Scritti, livre paru à Milan en 2013 (Editions Mimesis) a été incluse à la page 349 l’illustration d’une œuvre attribuée à Malewicz. Cette illustration a été incluse sans que j’aie été consulté; elle ne figure non plus dans mon Catalogue raisonné de 2002, donc je n’en assume pas la responsabilité.
La Monographie
Composé de quatre volumes, Kazimir Malewicz le peintre absolu est publié en avril 2007 chez Thalia édition, Paris. Une partie de la documentation de cet ouvrage comprenant le catalogue raisonné de la production plastique de l’artiste a paru en 2002 aux éditions Adam Biro, Paris, sous le titre Kazimir Malewicz, Catalogue raisonné. Cette publication a été corrigée et complétée dans le quatrième volume de la monographie publiée en 2007 par un addendum, un chapitre (31, vol. IV) consacré à « la technique et au style » et surtout par la bibliographie, outil indispensable pour la consultation du Catalogue raisonné.
Salué par la presse internationale comme un événement majeur de l’historiographie de l’art moderne, cet ouvrage qui a déjà reçu le prix de l’Académie des Beaux-Arts (Institut de France) a été publié en traduction anglaise par les éditions Lund Humphries en 2010.
L’acquisition par le Moderna Museet de Stockholm d’une importante peinture suprématiste de Malewicz de l’année 1915 a donné lieu à la rédaction d’une monographie consacrée à cette seule œuvre. Intitulé Black and White : a Suprematist Composition of 1915 by Kazimir Malevich, le livre de Andréi Nakov édité par le Moderna Museet de Stockholm est paru en mars 2010 aux éditions Steidl, Göttingen, deux éditions séparées, suédoise et anglaise.
Le travail concernant l’œuvre de cet artiste ne s’est pas arrêté à la publication de la monographie dont le texte fut terminé en 2002. En 2005, la Schopenhauergesellshaft de Francfort publiait le volume Schopenhauer und die Künste, dans lequel figure l’étude « Malewitsch mit Blick auf Schopenhauer. Das Uberschreiten der expressionistischen und symbolistischen « Verkleidung » der « Welt der Dinge », tandis qu’en 2003 paraissait à Toulouse l’étude « Le vol libre » des hommes et des formes : quelques éléments d’une convergence significative entre Malewicz et Ciolkovski » (in cat. d’exp. La conquête de l’air : une aventure dans l’art du XXe siècle , Les Abattoirs, Musée d’Art Moderne, Toulouse, p. 183-192). Le dernier texte explore les interférences de la thématique de Malewicz avec l’œuvre de Constantin Ciolkovski (1857-1935), grand savant russe et visionnaire des vols interplanétaires.
En 2003, paraissait aux éditions Gallimard, dans la collection « Découvertes », son Malévitch : Aux avant-gardes de l’art moderne. Ce livre destiné à une large diffusion est actuellement en cours traduction.
Bibliographie
- Malevich Painting the Absolute, Lund Humphries, Londres, 2010, 4 volumes sous coffret, 1654 pages
Où le trouver ? - Kazimir Malewicz : Le peintre absolu, Thalia édition, Paris, 2007, 24,8 cm x 28,5 cm, 4 volumes sous coffret, 1596 pages, 1642 illustrations en couleurs.
Où le trouver ? - Kazimir Malewicz, Catalogue raisonné, Éditions Adam Biro, Paris, 2002.
Où le trouver ? - Malévitch, Aux avant-gardes de l’art moderne Collection Découvertes, Gallimard, Paris, 2003.
Où le trouver ? - Malewitsch mit Blick auf Schopenhauer. Das Überschreiten der expressionistischen und symbolistischen « Verkleidung » der « Welt der Dinge » in Schopenhauer und die Künste, Anthologie éditée par Baum, G. et D. Birnbacher, Wallstein Verlag, Göttingen, p. 163-200.
- Kazimir Malevich, Black and White : a Suprematist Composition of 1915 by Kazimir Malevich, Édité par le Moderna Museet de Stockholm, Steidl Verlag, Göttingen, 2009.
Où le trouver ? - Voir également Bibliographie : 1976, 1977, 1978, 1995, 2013